(dito por Serge Reggiani)
O ESFORÇO HUMANO
O esforço humano
não é aquele belo rapaz sorridente
de pé na sua perna de gesso
ou de pedra
graças aos pueris artifícios
da estatuária
dando a ilusão imbecil
da alegria da dança
e do júbilo
evocando com a outra perna erguida
o prazer
do regresso a casa
Não
o esforço humano não traz uma criança
no ombro direito
outra à cabeça
e outra no ombro esquerdo
as ferramentas a tiracolo
e a jovem esposa feliz de braço dado
O esforço humano
tem uma cinta hernial
e as cicatrizes dos combates
travados pela classe operária
contra um mundo absurdo e
sem lei
O esforço humano não tem casa
tem o cheiro do trabalho
e tem os pulmões destruídos
o seu salário é magro
os seus filhos também
trabalha como um negro
e o negro trabalha como ele
O esforço humano não tem boas maneiras
o esforço humano não tem a idade
da razão
o esforço humano
tem a idade das casernas
a idade dos reformatórios
e das prisões
a idade das igrejas e das fábricas
a idade dos canhões
e ele que por toda a parte plantou todas as vinhas
e que sempre
pagou as favas
alimenta-se de pesadelos
e embebeda-se com o vinho azedo da resignação
e como uma grande
cobaia frenética
não pára de andar às voltas
num universo hostil
poeirento e abafado
e não pára de fabricar a cadeia
a terrível cadeia
onde tudo
se encadeia
a miséria o lucro o trabalho a carnificina
a tristeza
a desgraça a insónia e o tédio
a terrível cadeia
de ouro
de carvão de ferro
e de aço
de escória e de poeira
que é posta ao pescoço
de um mundo desamparado
a miserável corrente
onde vêm pendurar-se
os berloques divinos
as relíquias sagradas
as cruzes de guerra
e as cruzes gamadas
os indecorosos amuletos
as medalhas dos velhos
lacaios
os atavios da desgraça
e a grande peça de museu
o grande retrato
equestre
o grande retrato
de pé
o grande retrato
de frente e de perfil
e ao pé-coxinho
o grande retrato dourado
o grande retrato
do grande profeta
o grande retrato
do imperador
o grande retrato
do grande pensador
do grande prestidigitador
do grande moralizador
do digno e triste impostor
o rosto do grande
maçador
o rosto do agressivo
pacificador
o rosto policial do grande libertador
o rosto de Adolf Hitler
o rosto do senhor Thiers
o rosto do ditador
o rosto do carrasco
de qualquer país
de qualquer cor
o rosto odioso
o rosto infeliz
o rosto antipático
o rosto imundo
o rosto do medo.
(1900-1977) "Paroles"
(tradução de Manuela Torres)
L’effort
humain
L’effort humain
n’est pas ce beau jeune homme souriant
debout sur sa jambe de plâtre
ou de pierre
et donnant grâce aux puérils artifices du statuaire
l’imbécile illusion
de la joie de la danse et de la jubilation
évoquant avec l’autre jambe en l’air
la douceur du retour à la maison
Non
l’effort humain ne porte pas un petit enfant sur l’épaule droite
un autre sur la tête
et un troisième sur l’épaule gauche
avec les outils en bandoulière
et la jeune femme heureuse accrochée à son bras
L’effort humain porte un bandage herniaire
et les cicatrices des combats
livrés par la classe ouvrière
contre un monde absurde et sans lois
L’effort humain n’a pas de vraie maison
il sent l’odeur de son travail
et il est touché aux poumons
son salaire est maigre
ses enfants aussi
il travaille comme un nègre
et le nègre travaille comme lui
L’effort humain n’a pas de savoir-vivre
l’effort humain n’a pas l’âge de raison
l’effort humain a l’âge des casernes
l’âge des bagnes et des prisons
l’âge des églises et des usines
l’âge des canons
et lui qui a planté partout toutes les vignes
et accordé tous les violons
il se nourrit de mauvais rêves
et il se saoule avec le mauvais vin de la résignation
et comme un grand écureuil ivre
sans arrêt il tourne en rond
dans un univers hostile
poussiéreux et bas de plafond
et il forge sans cesse la chaîne
la terrifiante chaîne où tout s’enchaîne
la misère le profit le travail la tuerie
la tristesse le malheur l’insomnie et l’ennui
la terrifiante chaîne d’or
de charbon de fer et d’acier
de mâchefer et de poussier
passée autour du cou
d’un monde désemparé
la misérable chaîne
où viennent s’accrocher
les breloques divines
les reliques sacrées
les croix d’honneur les croix gammées
les ouistitis porte-bonheur
les médailles des vieux serviteurs
les colifichets du malheur
et la grande pièce de musée
le grand portrait équestre
le grand portrait en pied
le grand portrait de face de profil à cloche-pied
le grand portrait doré
le grand portrait du grand divinateur
le grand portrait du grand empereur
le grand portrait du grand penseur
du grand sauteur
du grand moralisateur
du digne et triste farceur
la tête du grand emmerdeur
la tête de l’agressif pacificateur
la. tête policière du grand libérateur
la tête d’Adolf Hitler
la tête de monsieur Thiers
la tête du dictateur
la tête du fusilleur
de n’importe quel pays
de n’importe quelle couleur
la tête odieuse
la tête malheureuse
la tête à claques
la tête à massacre
la tête de la peur.
n’est pas ce beau jeune homme souriant
debout sur sa jambe de plâtre
ou de pierre
et donnant grâce aux puérils artifices du statuaire
l’imbécile illusion
de la joie de la danse et de la jubilation
évoquant avec l’autre jambe en l’air
la douceur du retour à la maison
Non
l’effort humain ne porte pas un petit enfant sur l’épaule droite
un autre sur la tête
et un troisième sur l’épaule gauche
avec les outils en bandoulière
et la jeune femme heureuse accrochée à son bras
L’effort humain porte un bandage herniaire
et les cicatrices des combats
livrés par la classe ouvrière
contre un monde absurde et sans lois
L’effort humain n’a pas de vraie maison
il sent l’odeur de son travail
et il est touché aux poumons
son salaire est maigre
ses enfants aussi
il travaille comme un nègre
et le nègre travaille comme lui
L’effort humain n’a pas de savoir-vivre
l’effort humain n’a pas l’âge de raison
l’effort humain a l’âge des casernes
l’âge des bagnes et des prisons
l’âge des églises et des usines
l’âge des canons
et lui qui a planté partout toutes les vignes
et accordé tous les violons
il se nourrit de mauvais rêves
et il se saoule avec le mauvais vin de la résignation
et comme un grand écureuil ivre
sans arrêt il tourne en rond
dans un univers hostile
poussiéreux et bas de plafond
et il forge sans cesse la chaîne
la terrifiante chaîne où tout s’enchaîne
la misère le profit le travail la tuerie
la tristesse le malheur l’insomnie et l’ennui
la terrifiante chaîne d’or
de charbon de fer et d’acier
de mâchefer et de poussier
passée autour du cou
d’un monde désemparé
la misérable chaîne
où viennent s’accrocher
les breloques divines
les reliques sacrées
les croix d’honneur les croix gammées
les ouistitis porte-bonheur
les médailles des vieux serviteurs
les colifichets du malheur
et la grande pièce de musée
le grand portrait équestre
le grand portrait en pied
le grand portrait de face de profil à cloche-pied
le grand portrait doré
le grand portrait du grand divinateur
le grand portrait du grand empereur
le grand portrait du grand penseur
du grand sauteur
du grand moralisateur
du digne et triste farceur
la tête du grand emmerdeur
la tête de l’agressif pacificateur
la. tête policière du grand libérateur
la tête d’Adolf Hitler
la tête de monsieur Thiers
la tête du dictateur
la tête du fusilleur
de n’importe quel pays
de n’importe quelle couleur
la tête odieuse
la tête malheureuse
la tête à claques
la tête à massacre
la tête de la peur.
Jacques PRÉVERT
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